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Une thèse en cours sur l’évaluation de la durabilité des fermes intra urbaines professionnelles


Photos de l'article d'illustration, non représentatives du terrain d'étude de la thèse, celui-ci étant anonyme. Crédit: C. Saurine.



A l'occasion des Journées Internationales francophones de l'agriculture urbaine qui se tenaient début juillet en Belgique, Paola Clerino intervenait autour de la notion de durabilité et présentait le sujet de sa thèse en cours. Soutenue en janvier, elle vise à développer un outil d’évaluation de la durabilité des fermes intra-urbaines professionnelles à travers une méthode de conception innovante. C'est l'occasion pour nous de vous présenter ce travail, réalisé sous la direction de Jean-Marc Meynard et Agnès Lelièvre.


Un contexte où l’agriculture urbaine explose

Dans un contexte où les initiatives d’agriculture urbaine explosent dans les pays du Nord, on note le développement de fermes intra-urbaines professionnelles (AIUP). Ce sont des fermes situées en ville (au sol, en intérieur ou en toiture), cultivant en pleine terre ou non (en bacs, hydroponie, aéroponie ou aquaponie) et assurant différentes fonctions (productive, pédagogique, sociale, etc.).

Soutenues par des bailleurs publics ou privés et avec le conseil d’experts quant à leur conception et leur évaluation (auprès des bailleurs et porteurs de projets), la durabilité des différents projets est évaluée dans plusieurs cas : que ce soit lors de la phase de conception pour décider des financements, ou encore lors de la mise en oeuvre des projets d’agriculture intra-urbaine professionnelle.



Mais bien qu’il existe de nombreuses méthodes pour évaluer les fermes en milieu rural ou pour évaluer les projets en vue d’un investissement, aucune n’est adaptée à l’originalité de la combinaison de fonctions et de la diversité de formes et de structures de l’AIUP. L’objectif de la thèse est de concevoir un outil d’évaluation de la durabilité des projets d’AIUP à destination des bailleurs, porteurs de projets et experts.



La durabilité en question

Avant d’aller plus loin, nous pouvons préciser ce que signifie la notion de durabilité, qui est aujourd’hui très souvent utilisée mais qui fait l’objet de certaines variations avec plus d’une trentaine de définitions !

On note celle définie suite au rapport Bruntland en 1987 et à la conférence à Rio en 1992 lors de laquelle les États se sont mis d’accord sur 27 principes généraux sur leurs droits et leurs devoirs en matière de développement et d’environnement dans le cadre de l’Agenda 21 : le développement durable est défini comme le développement qui permet d’avoir des conditions de vie acceptables aujourd’hui tout en permettant à ceux qui viendront après nous d’en profiter aussi donc sans abîmer la Terre.


On note également la définition de la FAO : c’est la gestion et la conservation des ressources naturelles (le sol, l’eau, l’air…) par nos choix technologiques et politiques pour assurer la satisfaction continue des besoins de l’Homme, aujourd’hui et demain. Et cela passe par protéger l’environnement tout en restant viable économiquement et acceptable socialement (FAO, 1989). Toutes ces définitions considèrent que la durabilité repose sur trois piliers indispensables : environnemental, social et économique.


Comment peut-on évaluer la durabilité ?

Lorsque l’on souhaite évaluer la durabilité de quelque chose, il est nécessaire de bien définir ce que l'on va évaluer, pourquoi, qui va l’évaluer et pour qui on va évaluer. L’évaluation sera par exemple différente si c’est celle d’un groupe d’agriculteurs qui évaluent la durabilité de leurs fermes pour les comparer et savoir comment améliorer leurs pratiques, de celle d’un groupe d’experts qui évalue la durabilité d’une ville pour un maire et l’aider à définir ses politiques.


En fonction de nos besoins, on peut chercher s’il existe une méthode d’évaluation parmi toutes celles qui existent déjà, sans pour autant recréer tous les critères et les indicateurs nous-mêmes.

Mais comme ces méthodes sont conçues pour une situation précise, il se peut qu’aucune ne corresponde exactement à nos besoins. Dans ce cas on peut créer une méthode d’évaluation sur-mesure en choisissant nos critères et nos indicateurs. On peut aussi décider de donner plus d’importances à certains critères par rapport à d’autres. Dans une région qui souffre souvent de sécheresse, être une ferme qui utilise peu d’eau pour ses cultures peut être un critère très important pour qu’elle soit durable. Construire une méthode d’évaluation peut être fait par un groupe d’experts, avec l’aide de personnes concernées comme des agriculteurs, des consommateurs ou des associations de protection de la nature par exemple.




La thèse présente 2 outils dont une méthode de conception innovante

Dans le cadre de sa thèse, Paola Clerino conçoit un outil de manière participative, en impliquant les futurs utilisateurs dans sa conception. Elle conçoit deux outils d’évaluation distincts :


- Le premier a été conçu avec une démarche de conception réglée en suivant un cahier des charges standardisé d’élaboration d’outil d’évaluation de la durabilité en agriculture. Les acteurs ont été impliqués à différents stades de la conception, et un ensemble d’objectifs et de critères de durabilité spécifiques à l’AIUP ont été conçus avec eux. L’outil obtenu a la forme classique d’un tableur dans lequel l’utilisateur renseigne les indicateurs avec les données issues de son projet.


- Le second outil a été conçu avec une démarche de conception innovante, en se centrant sur la prise en compte de ses futurs usages. Elle a pour cela mis en place un diagnostic des situations d’usages, qui a permis de caractériser une diversité de situations d’évaluation rencontrées par les acteurs. Le diagnostic a également révélé des critères d’évaluation variés et originaux déjà utilisés par les acteurs par rapport aux critères classiquement utilisés pour évaluer la durabilité en agriculture, mais aussi par rapport à sa première démarche de conception. Des ateliers de conception innovante organisés avec les acteurs ont ensuite permis d’imaginer la forme de l’outil et ses fonctionnalités, qui se sont avérées beaucoup plus variées que celles développées lors de sa première démarche.


Une perspective très enrichissante pour la prise en compte de la durabilité

La comparaison des 2 démarches a donné à voir la richesse et l’originalité des résultats obtenus en centrant la conception de l'outil sur les usages. Etudier les manières d’évaluer des acteurs a permis de stimuler la créativité, de se défixer et d’ouvrir plus de voies d’exploration qu’en associant directement les acteurs à la conception. Elle a également permis d’enrichir la notion d’Agriculture Urbaine durable, en soulignant l’importance d’innover dans la synergie entre logiques agricoles et logiques urbaines. En retour, l’évaluation de l’AIUP suggère de renouveler la manière dont on évalue la durabilité des projets agricoles ruraux pour mieux tenir compte des interactions qu’ils tissent avec leur territoire. Cette thèse élabore des recommandations à destination des concepteurs d’outils pour enclencher ce renouvellement, en prenant mieux en compte les pratiques d’évaluation des acteurs et en concevant des outils flexibles.



Une mission pour accompagner le développement de l’agriculture urbaine

Pour la Chaire Agricultures Urbaines, qui finance cette thèse, il s’agit de remplir sa mission en accompagnant le développement de l’agriculture urbaine, ici professionnelle. En outillant les acteurs, notamment les collectivités territoriales et les experts, il s’agit de favoriser les formes les plus judicieuses au vu des différents services rendus par l’AU et de rendre cette activité la plus viable possible pour les porteurs de projets. Cette thèse rentrera en septembre dans le cadre du projet FoodE* et sera soutenue en décembre.





*FoodE, financé dans le cadre du programme de recherche « Horizon 2020 » de la Commission européenne, regroupe 24 membres (universités, centres de recherche, entreprises, associations et collectivités territoriales) venus de 8 pays européens. Il a pour objet l’étude des systèmes alimentaires durables et leur développement dans des zones urbaines, rurales et côtières. FoodE vise ainsi la création d’une base de données et d’un cadre méthodologique permettant d’évaluer les dimensions sociales, environnementales et écologiques des systèmes alimentaires européens.




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