Diversanté
Assata Doumbia
• Qui êtes-vous ?
Je suis Assata Doumbia, consultante en santé publique. J’ai un parcours un peu particulier parce que j’ai exercé pendant longtemps en tant que diététicienne nutritionniste pendant de nombreuses années tout en me formant à chaque fois à diverses spécialités de la nutrition. Donc j’ai très rapidement eu une approche de la santé nutritionnelle qui a été plutôt orientée sur un modèle psycho socio comportementale avec une place assez importante autour de la notion de plaisir mais surtout de la dimension interculturelle. Ca a vraiment été mon point focus, ma marque de fabrique.
Et après j’ai eu besoin d’aller un peu plus loin, de sortir un peu de la santé nutritionnelle pour aller vers une approche plus systémique de la santé, et là j’ai orienté ma carrière en passant un master en Santé publique (parcours éducation santé, éducation thérapeutique) et ça m’a permis d’acquérir des compétences de spécialiste de la pédagogie de la santé.
Dans mes activités actuelles, je suis à la fois dans la conception et la coordination de programmes de santé, donc en santé globale, mais aussi autour de la santé nutritionnelle puisque c’est mon 'background' d’origine.
Et puis aussi, mes voyages, là où j’ai vécu m'ont pas mal forgé. Souvent je dis que ma carrière professionnelle est un métissage parce que j’ai vécu au Canada, à L’Île-de-la-Réunion, j’ai eu cette chance, où les approches de la santé en tous cas pour le Canada, étaient bien avancées par rapport à ce qu’on pouvait voir ici, surtout à l’époque où j’y ai vécu.
Et vivre à la Réunion m’a permis d’ancrer l’approche transculturelle de la santé. C’est une approche qui m’interpelle depuis plusieurs années. Il y a eu aussi mes différents séjours, à la fois au Costa Rica, Panama, au Maroc, et mes vas et viens sur le continent africain, particulièrement en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso, qui m’ont pas mal forgé parce que j’ai rencontré des soignants, des tradipraticiens et des agriculteurs qui avaient une approche très systémique de la santé et tout ça m’a beaucoup nourri. C'est par le biais de ces voyages-là que je suis rentrée dans cette dimension agroécologique et tout ce qui touche en tous cas à l’agriculture traditionnelle, l’agriculture urbaine. C’est vraiment lors d'un de mes premiers voyages au Maroc, je partais avec une association qui s’appelle Road treep pour planter des arbres afin de lutter contre l’avancée de désert (ce qu’on appelle aujourd’hui la muraille verte). Il y a eu des rencontres avec les paysans et agriculteurs locaux. Et après j’ai eu la chance de rencontrer Yacouba Sawadogo au Burkina Faso, Prix nobel alternatif 2018, un homme très inspirant qui a planté une forêt seul.
C’est en ce sens là que je souhaite faire des liens avec mon parcours en nutrition car finalement la nutrition, c’est aussi comment les végétaux se cultivent, comment ils poussent, etc. Ce qu’on n'apporte pas forcément dans notre cursus. Tout comme la dimension alimentation culturelle qui n’était pas forcément abordée dans notre cursus de diététicienne. Et donc avec cette vision 360 de la santé, de l’agroécologie, cela m’a permis finalement de développer une expertise que je mets à profit à travers l’accompagnement de municipalités et d'associations via ma structure qui se nomme Diversanté.
• Quelles sont tes activités ?
J’ai travaillé sur le projet de recherche action ACDC (Action de Consommation Durable et Citoyenne) piloté par la celulle de recherche de l'Hôpital de Manhes qui, à l’époque quand je travaillais au réseau ROMDES (Réseau obésité multi-disciplinaire des départements de l’Essonne et de la Seine-et-Marne), m’a permis d’expérimenter le lien avec ces différentes approches sur des lieux dédiés en tous cas des tiers lieux pour la première fois. Aujourd’hui je continue dans cette dynamique-là à différents niveaux, soit avec des associations, ou avec des municipalités. J’ai à cœur ce travail autour de la « décolonisation des savoirs" et des pratiques en santé, parce que je postule que souvent en tant que professionnel, en tant que soignant, on est plutôt occidentalo-centré dans nos approches. Alors je comprends parce qu’on est baigné dans une approche particulière mais souvent on ne valorise pas forcément les autres approches mises en œuvre, que ce soit du point de vue de la santé, du point de vue de l’agroécologie, et moi je postule qu'en ouvrant à d’autres façons de faire et de penser, on enrichit finalement dans la façon de faire, dans les savoirs, on valorise aussi quelque part les personnes dans une approche d’"empowerment" qui est très importante en santé.
Je ne fais pas le focus sur une activité en particulier mais plutôt sur l’approche que j’adopte à travers tous les programmes que j’accompagne en ayant ce regard transculturel ou en tous cas en essayant de tenir compte de la diversité culturelle.
En ce sens, je travaille sur un très gros projet de création d’un tiers-lieux dédié à la santé intégrative et environnementale dans une approche transculturelle pour donner plus de pouvoir d’agir aux personnes. Ca c’est un très très gros projet sur lequel je travaille en parallèle, pour lequel je me fais accompagner et j’espère que ce lieu verra le jour, en tous cas j’ai l’ambition de planter les graines et bien arroser le projet.
• Pourquoi s’être intéressée au réseau ?
Parce que la dimension d’échange et de partage autour des pratiques et des savoirs me semble fondamentale justement si on veut garder ce regard vers divers horizons. Partager un peu des expériences, c’est s’enrichir les uns les autres. Ça m’a paru vraiment important, fondamental et c’est ce qui m’a amené à rejoindre le réseau. Et après j’ai eu l’occasion d’assister à quelques événements et je trouve toujours bien de pouvoir échanger de vive voix, participer à une dynamique sur ces sujets-là.